Parution de Valeurs humaines de février 2020
« Sans votre enseignement... »
Le 4 janvier 1960, il y a soixante ans cette année, Albert Camus, lauréat du prix Nobel de littérature 1957, nous quittait. Dans son discours de réception du prestigieux prix, il déclarait : « Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle [ma génération] sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer, entre les nations, une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance1. »
Ces mots témoignent du prix qu’il accordait à la liberté, au dialogue des cultures et à la paix. L’affection et la gratitude qu’il portait à sa mère, ainsi qu’à son instituteur, M. Germain, sont aussi bien connues. « Quand j’ai appris la nouvelle, lui écrit-il, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. » Camus fait aujourd’hui figure de sage.
« En ce monde, écrit Nichiren, les personnes sages sont rares alors que les insensés abondent. Ils sont comme des vaches et des chevaux qui ne connaîtront jamais leur père, ou comme des lièvres et des moutons, incapables d’identifier leur mère2. »
Daisaku Ikeda commente : « Ignorer comment nous sommes venus en ce monde, c’est-à-dire la profonde causalité de notre vie, ne consiste pas simplement à ignorer la gratitude envers nos parents, mais cela concerne aussi toutes les formes de gratitude, notamment envers tous les êtres vivants et envers notre maître. Une telle absence de gratitude équivaut au déclin et à la perte de notre humanité. »
Dans la mesure où l’on transcende des comportements propres à l’animalité, on est pleinement humain, et on reconnaît l’humanité de l’autre. Sans quoi il devient impossible de « restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude ».
Bertrand Rossignol,
Directeur de la rédaction
1. Discours de Stockholm (10 décembre 1957), Folio Gallimard, 2006, p. 337.
2. WND-II, 804 (cf. Étude nationale, p. 26).
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